La santé intestinale et le microbiote

Interview du Dr Stéphane Résimont - Je crois que la médecine fonctionnelle est la médecine de l’avenir

06/01/2023
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Jade Perraud : Bonjour Docteur Résimont, pouvez-vous, s’il vous plaît, vous présenter pour nos lecteurs ?

Dr Stéphane Résimont :

Mes études de médecine :

Diplômé de l’ULB (Université Libre de Bruxelles), je me suis spécialisé en ORL puis en microchirurgie de l’oreille. J’ai travaillé en cancérologie à l’institut Bordet et notamment en chirurgie cervico-faciale.

J’ai également étudié l’acupuncture à Paris à l’Hôpital Beaujon puis je suis allé à Shanghai pour m’enrichir sur ce sujet.

A la suite de mes études, j’ai fait beaucoup de formations en médecine esthétique et en chirurgie esthétique.

Ma passion :

En tant que sportif, pendant mes entraînements intenses avec de lourdes charges (raids, course à pied, vélo, sports de combat), j’avais des crampes, des problèmes de récupération…

Je me suis aperçu qu’en buvant de l’eau cela était insuffisant. Je me suis donc intéressé aux liquides de réhydratation : j’ai commencé à mettre du sel dans mon eau, un peu de potassium, un peu d’ions (les boissons isotoniques n’existaient pas encore à l’époque).

Une autre médecine :

J’avais en consultation des patients chirurgicaux envoyés par un médecin Bruxellois, le Docteur Benoit Evrard. Je les opérais en otomicrochirurgie, en chirurgies nasale esthétique et fonctionnelle, en chirurgie endoscopique fonctionnelle des sinus, de la thyroïde…

Ses patients allaient tous très bien ! Ils étaient tous de bonne humeur, avaient une bonne énergie, étaient bien dans leurs têtes… Et tous prenaient des traitements que je trouvais à l’époque bizarres : du sélénium, du magnésium, des hormones thyroïdiennes naturelles de type Armour Thyroid, Erfa Thyroid… Donc un jour j’ai téléphoné à Benoit Evrard en lui demandant ce qu’il faisait comme médecine. Il m’a dit qu’il était nutrithérapeute et m’a invité à le rencontrer.

Comme à ce moment-là je préparais Lhassa - Katmandou en course à pied et VTT, je me suis dit que j’allais venir comme patient. J’ai donc pu voir ce qu’il faisait, et ce qui m’a épaté, c’est quand il a reçu ma prise de sang et qu’il l’a interprétée (complètement différemment de ce qu’on en faisait d’habitude en médecine classique).

La nutrition :

Ça m’a tellement passionné que j’ai décidé de faire de la nutrition. Donc j’ai fait la formation du Docteur Curtay, le CERDEN à l’ULB, dans le but égoïstement de le faire pour moi, afin d’aller mieux et de me soigner naturellement.

Inévitablement cela a eu des répercussions sur mes proches : ma compagne, ma fille, ma famille, mon père, mes amis… et puis finalement à un moment j’ai utilisé mes connaissances et compétences acquises pour mes patients parce que quand on a des connaissances, on ne peut pas s’empêcher de les partager, d’en faire bénéficier les autres.

J’ai toujours eu un énorme tropisme pour la thyroïde. En consultation ORL, j’en parle systématiquement. J’ai commencé à prendre en charge des hypothyroïdies de façon différente par rapport à ce qu’on m’avait appris, en m’intéressant aux cofacteurs, à la conversion de la T4 et T3, aux vitamines et minéraux (sélénium, zinc, vitamine A, vitamine D…) etc.

C’est donc le sport qui m’a amené à la nutrition et à la micronutrition. Aujourd’hui, je fais davantage de nutrition que d’ORL.

L’hormonothérapie :

Après 2-3 ans, je me suis rendu compte qu’il y avait des choses que je ne savais pas résoudre. C’est pourquoi je suis allé apprendre l’hormonologie avec le Dr Thierry Hertoghe, mon mentor. Comme je dis toujours, je lui ai appris à courir et il m’a appris les hormones. Maintenant il fait des marathons et moi de l’hormonothérapie.

Nicolas Lecordier : Vous parlez souvent de médecine fonctionnelle. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Dr Stéphane Résimont : Il y a plein de synonymes. Moi j’appelle ça la médecine préventive, la vraie médecine, la médecine holistique. On retourne aux sources des problèmes.

Je donne toujours des exemples classiques. Plutôt que de traiter une dépression par antidépresseurs, on va la traiter en donnant les nutriments nécessaires à la synthèse de la sérotonine : protéines le matin, éventuellement suppléments en tryptophane ou 5-HTP, des cofacteurs qui vont activer le tryptophane en sérotonine comme des vitamines B6/B9/B12, de la vitamine D, du magnésium ou encore du zinc.

On va rechercher les causes et les sources des problèmes. Si par exemple vous avez des palpitations, des crampes, que vous vous réveillez la nuit, que vous êtes irritable : c’est certainement un manque de magnésium. Ce n’est pas un anxiolytique, un antidépresseur ou un bêtabloquant pour le cœur qu’il vous faudra. C’est une logique où l’on essaye de faire le lien entre des symptômes afin de trouver le remède qui conviendra le mieux.

Jade Perraud : Dans vos consultations, donnez-vous également des conseils alimentaires ?

Dr Stéphane Résimont : L’alimentation c’est la base de tout. Avant d’emmener une voiture essence chez le garagiste, on met d’abord une bonne essence dedans, un bon carburant : pas du diesel. Pour l’être humain c’est pareil, s’il veut bien fonctionner, il lui faut d’abord une bonne nutrition, puis on attaque par les compléments et après seulement on traite l’aspect hormonal.

L’alimentation moderne est catastrophique : on n’a jamais appris aux gens à bien manger, ils nourrissent leurs enfants de la mauvaise façon (céréales, pain/chocolat), et puis on s’étonne d’avoir des enfants avec des troubles déficitaires de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA/H), des adultes qui sont tous en dépression, en surpoids, fatigués…

Les gens mangent comme on leur dit de manger à la télévision donc ils mangent trop sucrés des céréales, des produits synthétiques et transformés. J’essaie de leur réapprendre à manger plus sain, plus paléo avec des aliments de base comme de la viande, du poisson, des œufs, des légumes…

Le régime paléolithique (paléo ou ancestral) incite à manger plus de protéines, plus de végétaux, plus d’oméga-3 et moins de glucides. Le sucre, le sel, les céréales, le lait et ses dérivés et les aliments transformés sont à éviter ou limiter fortement. Légumes, fruits, racines et graines doivent être privilégiés tandis que le recours à la cuisson peut être minimal. En mangeant ce qui correspond aux fonctions originelles de l’organisme on maigrit certes mais on pourrait prévenir aussi un certain nombre de maladies.

En effet, nos gènes ne sont pas adaptés au mode alimentaire actuel mais plutôt à l’alimentation de nos ancêtres du Paléolithique qui vivaient entre -3 millions d’années et -10 000 ans. En se remettant à la diète ancestrale, on perdrait du poids tout en prévenant un certain nombre de maladies chroniques.

Jade Perraud : Dans les conseils alimentaires que vous préconisez il y a les protéines le matin. Orientez-vous vos patients vers une alimentation paléo ?

Dr Stéphane Résimont : Le paléo en soi, c’est une bonne idée : manger plus cru, plus d’aliments de base, ne pas cuire à outrance les aliments pour ne pas générer de produits toxiques… Et moins on consomme de produits transformés, mieux on se porte. Il est bien mieux de manger un fruit qu’un jus de fruit par exemple, on mise sur les fibres, etc.

Nicolas Lecordier : Quelles sont les pathologies que vous rencontrez le plus lors de vos consultations ?

Dr Stéphane Résimont : La pathologie que je rencontre le plus souvent est l’hypothyroïdie. 95% des patients consultants en nutrition, en médecine fonctionnelle, sont des hypothyroïdiens qui ne le savent pas pour la plupart : ils sont frileux, fatigués le matin, constipés, perdent leurs cheveux, ont un moral oscillant, la peau sèche… mais ils ne savent pas que c’est à cause de cela parce que leur médecin leur a dit « votre TSH est normale tout va bien ».

Les autres pathologies fréquemment rencontrées sont le surpoids, la fatigue, les troubles du sommeil, l’état dépressif… l’épuisement des surrénales (burn-out et pré burn-out).

Jade Perraud : Pourquoi, selon vous, certains médecins n’ont pas les bonnes interprétations ?

Dr Stéphane Résimont : Le problème c’est qu’on interprète toujours un statut thyroïdien en fonction de la TSH, qui est un peu l’équivalent d’un thermostat.

Par exemple : vous arrivez chez vous, votre thermostat indique 25° et pourtant votre poisson rouge est gelé dans son bocal… le chauffagiste vient et vous dit : « Le thermostat indique 25 degrés, tout va bien ». Eh bien moi, je crois le poisson rouge qui est gelé et non le thermostat qui indique 25°.

C’est un peu le principe de la thyroïde. La prise de sang n’a pas beaucoup d’incidence dans la prise de décision sur la thyroïde. Il y a tellement de facteurs qui rentrent en compte et qui peuvent faire que même si on a une biologie parfaite et la T3 thyroïdienne parfaite, on peut avoir des patients en hypothyroïdie profonde.

Nicolas Lecordier : Vous vous basez donc sur la clinique ?

Dr Stéphane Résimont : Dès que le patient a deux ou trois signes d’hypothyroïdie, ça vaut la peine de chercher les déficiences : voir s’il y a assez d’iode, de sélénium, de protéine le matin (tyrosine), si le patient peut transformer sa T4 en T3 grâce au zinc, au fer, à la vitamine B12, voir si la T3 dans le sang peut rentrer dans la cellule, un bon niveau de vitamine D.

Or 100 % des Français et des Belges non complémentés sont carencés en vitamine D. Il faut que le récepteur nucléaire puisse réagir grâce à la vitamine A, il ne faut pas de porosité intestinale qui ralentit voire bloque les récepteurs, il faut également qu’il y ait assez d’oméga-3, de bons oméga-6…

Donc lutter contre l’hypothyroïdie demande une multitude de facteurs corrects.

Jade Perraud : Dans certains cas préconisez-vous des analyses biologiques ?

Dr Stéphane Résimont : Oui, d’office je fais faire une prise de sang complète. Mais avant, en première consultation, je vais déjà déterminer ce qui se passe, et prescrire des compléments.

Si un patient me dit « je ne mange pas de poisson », donc d’oméga-3 : je vais lui recommander des oméga 3.

Si un patient a des crampes, des palpitations, des fasciculations musculaires, des troubles du sommeil… je vais l’orienter vers du magnésium.

Si une dame fait de la rétention d’eau au niveau des chevilles, je vais dans un premier temps rétablir son potassium en plus de la supplémenter en magnésium. Si le patient a des crampes, des ballonnements, des selles défaites… je vais lui prescrire de l’argent colloïdal avec de l’huile essentielle d’origan, mais aussi des prébiotiques ou/et des probiotiques.

Les tests vont ensuite être réalisés, et quand je revois le patient quelques semaines plus tard, soit il est guéri et la prise de sang va me conforter dans ce que j’ai fait, soit la prise de sang indique par exemple une candidose, donc l’argent colloïdal n’a pas suffisamment fonctionné, alors je vais remettre un traitement antimycosique par la suite.

La biologie est certes nécessaire mais c’est l’anamnèse qui est capitale.

Jade Perraud : Vous qui avez une autre approche, comment faites-vous quand vous êtes confronté à des confrères qui recommandent du Levothyrox ?

Dr Stéphane Résimont : Je leur envoie des publications scientifiques qui prouvent qu’ils ont tort, puis je leur montre qu’avec une lévothyroxine à 150 microgrammes, si la patiente a toujours 20 signes d’hypothyroïdie, il faut quand même se poser des questions…

J’ai eu le cas récemment d’un patient qui vient en consultation avec sa femme. Son mari vient pour un rendez-vous de suivi post-opératoire. Et puis je vois sa femme en salle d’attente avec un anorak et une grosse écharpe. Elle rentre dans le cabinet, je termine le soin post-opératoire de son mari, et je dis « et vous votre thyroïde, Madame, comment va-t-elle ? ».

Elle me regarde avec de grands yeux et me demande « comment vous savez que j’ai des problèmes de thyroïde ? J’ai un Hashimoto. Je suis allée chez l’endocrinologue il y a deux jours et je suis à 100 microgrammes de L-thyroxine un jour et 150 microgrammes le lendemain ». Je l’interroge : 19 signes d’hypothyroïdie !

Je lui ai prescrit un traitement de T3/T4 à dose croissante en lui promettant que dans 8-10 jours il n’y aura plus rien.

Nicolas Lecordier : Quel traitement avez-vous préconisé à cette patiente ?

Dr Stéphane Résimont : Je lui ai fait arrêter son Levothyrox, je l’ai mise sous Euthyral (1 par jour) et puis je lui ai appris à augmenter la dose en faisant une check-list.

Je lui ai dit « voilà tous vos signes. Vous en prenez un demain matin et deux jours après vous faites une check-list : où est ce que j’en suis ? Est-ce que ça va mieux, pas mieux ? Vous en prenez un quart de plus tous les deux trois jours. Et puis vous allez vous dire c’est super je ne suis plus fatiguée le matin, en pleine forme, je ne suis plus gonflée sous les yeux le matin, je peux passer ma bague tout de suite le matin car je n’ai pas les doigts gonflés au réveil, je ne suis plus constipée, mon moral est stable, je n’ai plus froid, mon écharpe et mon anorak sont au vestiaire ! ».

Jade Perraud : Et en une semaine vous avez des résultats ?

Dr Stéphane Résimont : Le dysfonctionnement de la thyroïde peut être résolu en une semaine, voire 15 jours s’il est bien traité.

Attention tout de même, si le patient a 20 kg de trop, il ne perdra pas 20 kg en 10 jours. Mais on retrouve un confort de vie. Et s’il y a du surpoids, avec bonne alimentation fera disparaître ce surpoids.

Nicolas Lecordier : Quelle est la différence entre l’Euthyral et Levothyrox, L-Thyroxine, Eutyrox, TCAPS… ?

Dr Stéphane Résimont : L’Euthyral est un mélange de T3 et de T4 tandis que le Levothyrox et consorts apportent uniquement de la T4.

En cas de problème sur une chaudière, fioul ou gaz, il y a toujours une petite veilleuse qui peut nous aider pour que ça redémarre au quart de tour quand on en a besoin. Le T3 de l’Euthyral, c’est un peu comme cette veilleuse. S’il n’y a pas cette T3, on ne démarre pas l’activation de la T4 en T3.

Jade Perraud : C’est donc le problème du Levothyrox qui ne se transforme pas en T3 ?

Dr Stéphane Résimont : Exactement. J’ai pourtant envoyé des lettres de multiples fois à des chefs de service, à des professeurs endocrinologues (qui persistent à prescrire du Levothyrox), en leur expliquant mais ils ne veulent pas comprendre pour de mystérieuses raisons. Ils donnent du Levothyrox, de la L-thyroxine ou encore du TCAPS sans doser le magnésium, le sélénium, la vitamine B12, la vitamine A, la vitamine D…

Il y a plein de facteurs qui bloquent la transformation de la T4 en T3 : la pollution, les métaux lourds, les phtalates… Toutes ces raisons expliquent la généralisation de l’hypothyroïdie.

Jade Perraud : Vous avez évoqué que l’hypothyroïdie représente 95 % de vos consultations. C’est vraiment beaucoup…

Dr Stéphane Résimont : C’est peut-être un peu biaisé parce que les patients qui viennent me consulter, viennent pour des problèmes de surpoids, de fatigue chronique, dépression, troubles digestifs… Mais L’hypothyroïdie touche au moins 85 % de la population.

Voici un exemple : j’ai fait une conférence grand public il y a quelques semaines, sur la nutrition et la micronutrition. Avant de commencer ma conférence je dis : « vous êtes 95 dans la salle, je vais poser quelques questions : notez sur un petit papier combien de signes vous avez ».

Je commence : « frilosité, extrémités froides, syndrome de Raynaud, yeux gonflés le matin, doigts gonflés, constipation, moral oscillant, perte de cheveux, peau sèche, peau sèche au niveau des coudes, estomac qui gonfle quand vous avez mangé etc. ».

A la fin, je demande : « qui a moins de trois signes dans la salle ? ». Sur les 95, 3 seulement ont levé le doigt ! J’ai dit : « les 92 autres, vous êtes en hypothyroïdie ! ». « Qui le sait ? » Seulement 3 personnes ont levé le doigt.

Il y a donc 89 personnes sur 95 présentes qui étaient en hypothyroïdie sans le savoir et cela concernait aussi bien des hommes que des femmes.

Jade Perraud : En effet, c’est vrai qu’on a plutôt tendance à penser que ce sont les femmes les plus touchées.

Dr Stéphane Résimont : Oui tout à fait. Mais finalement il y a aussi beaucoup d’hommes. Ce qui explique qu’il y a plus d’hypothyroïdies chez les femmes que chez les hommes, c’est que la progestérone aide à convertir la T4 en T3.

Quand une femme arrive à 35/40 ans, ses ovaires commencent à vieillir, sa progestérone commence à baisser et donc la transformation ne se fait plus aussi bien, alors l’hypothyroïdie apparaît fréquemment.

Prenez l’exemple d’une femme de 45 ans qui a pris 25 kg car sa pré-ménopause et son manque de T3 n’ont pas été pris en charge. Cette dame se rend chez son médecin gynécologue et lui dit : « ma poitrine commence à tomber, ma libido ce n’est plus ça, je prends des kilos chaque année, je perds mes cheveux… ».

Le gynéco répond « Madame c’est normal c’est la pré-ménopause. On va attendre votre ménopause. » 10 ans plus tard elle est ménopausée, elle a pris 30 kg et n’a plus le moral…

Il faut se poser les questions et agir avant que ce soit trop tard !

En général, les gens attendent malheureusement trop avant de consulter et le mécanisme a déjà commencé. La pré-ménopause commence dès 30 ans. C’est au moment des premiers signes cliniques qu’il faut prendre en charge, il ne faut pas attendre que les dégâts soient faits.

Nicolas Lecordier : Que conseillez-vous alors ?

Dr Stéphane Résimont : Si la patiente est en fin de cycle et qu’elle est irritable, qu’elle a des troubles du sommeil, mal à la poitrine, fait de la rétention d’eau (SPM : syndrome prémenstruel), cela veut dire qu’elle a trop d’œstrogènes par rapport à sa progestérone. Je vais alors lui donner de la progestérone et dans le mois qui va suivre tout sera résolu elle ira très bien.

Le problème c’est que si elle n’a pas ce traitement-là, elle a plus de chance de développer un cancer du sein après sa ménopause. La progestérone protège du cancer du sein. Il faut donner de la progestérone comme Utrogestan par exemple.

Jade Perraud : La conversion de la T4 en T3 se passe principalement au niveau du foie ?

Dr Stéphane Résimont : Oui mais aussi un peu partout : reins, tube digestif, et même dans le cerveau.

Les enzymes qui s’appellent les désiodases sont capables de retirer un atome d’iode à la T4 pour l’activer en T3. Elles ont un fonctionnement différent au niveau du cerveau et en périphérie. On peut être en hypothyroïdie au niveau du cerveau et en euthyroïdie en périphérie.

Génétiquement, il y a aussi des désiodases qui fonctionnent mal depuis la naissance. Ces personnes-là ne transforment pas bien leur T4 en T3, et on leur donne du Levothyrox mais ça ne sert à rien. Le Levothyrox T4 va filer vers la reverse T3 qui va bloquer la T3. Le patient prend 20 kg de plus, est encore plus fatigué et encore plus dépressif…

Beaucoup de traitements thyroïdiens par T4 aggravent l’hypothyroïdie. Si le Levothyrox ne fonctionne pas, on va essayer l’Euthyrox, mais c’est plus ou moins la même chose.

Nicolas Lecordier : Ça nous fait rebondir sur les compléments alimentaires. Dans la presse et à la télévision, ils ne sont pas forcément toujours décrits comme quelque chose d’utile. Quel est votre point de vue ?

Dr Stéphane Résimont : C’est de la désinformation !

Il y a énormément d’études scientifiques de très haut niveau qui montrent l’importance d’une supplémentation.

Exemple. Il y a deux ans, j’ai reçu un patient qui venait de Grenoble. Il avait 22 ans, il vient me consulter parce qu’il a des précordialgies violentes, c’est-à-dire qu’il souffre de violentes douleurs dans la poitrine. Il est allé voir un cardiologue, il a même eu une coronarographie mais rien. Il ne s’en sort pas.

Alors je commence à lui poser des questions : crampes ? Oui. Il a tous les signes suivants : réveil la nuit, irritabilité, fasciculations musculaires… Donc je lui donne un traitement de magnésium et potassium et je lui demande de m’envoyer un petit mail une semaine après. Ce qu’il a fait en me disant que tout avait disparu ! Plus mal à la poitrine, plus de crampe, plus rien.

Donc ce jeune homme avait fait le déplacement en avion de Grenoble à Bruxelles pour se faire entendre dire qu’il fallait qu’il prenne du magnésium… Je trouve cela scandaleux.

En fait les muscles intercostaux se contractent et créent des douleurs. Alors quand on dit que les compléments sont dangereux… Dans une de mes conférences, j’ai d’ailleurs expliqué en m’appuyant sur des études, que l’année passée, il n’y a eu aucun mort par surdosage en complément alimentaire. Par contre il y a eu 300 000 morts liés aux médicaments !

Jade Perraud : D’ailleurs en parlant de dosage, on peut rebondir sur la vitamine D et les apports recommandés ?

Dr Stéphane Résimont : En Belgique, c’est 800 unités internationales recommandées (UI) par jour. En France, les apports recommandés sont de 600 UI.

En réalité, il faudrait pour un adulte de plus de 50 kg, en moyenne entre 6 000 et 10 000 UI par jour pour être en pleine santé.

Nicolas Lecordier : Alors selon vous, quel est le bon dosage ?

Dr Stéphane Résimont : Un bon dosage en vitamine D doit être compris entre 70 à 90 nanogrammes par millilitre, ce qui fait 180 à 200 nmol/L équivalent en unité française.

Quand on parle de dosage à 30 ng/ml c’est la norme pour la prévention partielle de l’ostéoporose…

Mais la norme pour une bonne santé physique, psychique et de prévention de maladies auto-immunes, pour le cancer ou les maladies de la thyroïde…, est de 70 à 80 ng/ml.

Il y a un an, je recommandais 60 maintenant 70/80 ng/ml.

Jade Perraud : Donc 6 000 à 10 000 unités par jour. Toute l’année, même en été avec le soleil ?

Dr Stéphane Résimont : Oui, il faut prendre de la vitamine D toute l’année.

Le soleil n’y change pas grand-chose si vous êtes vraiment carencé. Si vous partez 15 jours au soleil, n’arrêtez pas votre supplémentation, si vous partez 3 mois à Tahiti par contre vous pouvez en effet l’arrêter temporairement. Il faut simplement faire régulièrement un dosage sanguin pour vérifier.

Nicolas Lecordier : Selon vous, quels sont les compléments indispensables ?

Dr Stéphane Résimont : A mon avis, les compléments de base sont : la vitamine D, le magnésium, la vitamine B9, la vitamine B12, le zinc, les Oméga-3, le sélénium et la vitamine A.

Autre exemple, l’huile de foie de morue en gélule, j’en prescris 10 fois par jour. Depuis qu’on a arrêté l’huile de foie de morue à l’école pour tout le monde, 60 à 70 % des gens sont carencés en vitamine A.

Jade Perraud : Sur votre page Facebook vous recommandez de prendre tous les jours une poignée de noix/amandes, pourquoi ?

Dr Stéphane Résimont : Les seuls patients qui ne sont pas carencés en sélénium sont ceux qui mangent quotidiennement des noix et des noisettes. Actuellement en Europe, nos sols sont très pauvres en vitamines, minéraux et oligo-éléments. Les sols non mis en jachère s’appauvrissent.

Jade Perraud : Donc nous pourrions donner à nos lecteurs le conseil de manger une poignée de noix ou de noisettes ?

Dr Stéphane Résimont : Oui mais prétrempées toute une nuit, comme tous les oléagineux en général, car l’acide phytique présent dans ces derniers n’est pas très bon pour la santé.

Jade Perraud : Quelle est votre vision de la médecine à 10 ou 20 ans ? Comment voyez-vous les choses évoluer de votre point de vue ? Pensez-vous qu’on se dirige vers une médecine « intégrative » et que d’ici 20 ans tous les médecins recommanderont des compléments alimentaires ?

Dr Stéphane Résimont : Je crois que la médecine fonctionnelle est la médecine de l’avenir. Les patients ne supporteront pas encore longtemps de se faire polymédiquer (l’OMS définit la polymédication comme l’administration de nombreux médicaments de façon simultanée ou l’administration d’un nombre excessif de médicaments) avec tous les effets secondaires que cela peut entraîner.

Je remarque sur les réseaux sociaux que les gens sont scandalisés de voir ce que les médecins prescrivent et qu’ils traitent des cas sans se soucier des effets secondaires.

Nicolas Lecordier : Est-ce que vous sentez que parmi vos jeunes confrères certains sont ouverts et s’orientent vers la médecine fonctionnelle ?

Dr Stéphane Résimont : Je crois que oui, de plus en plus. Avant il fallait vraiment avoir quelqu’un qui a de l’expérience et qui commence à être déçu par les résultats qu’il obtient pour en venir à ce genre de médecine.

Maintenant je vois des jeunes confrères qui ne sont pas encore sortis de l’université qui viennent assister aux conférences et aux formations.

La médecine fonctionnelle, pour moi, c’est la médecine d’avant le cours de pharmacologie où l’on nous enseigne la physiologie pour comprendre comment fonctionne le corps humain.

Ensuite, on arrive au cours de pharmacologie et on ne nous enseigne plus que les médicaments :

  • Palpitation : c’est un bêtabloquant,
  • Hypertension : c’est un antihypertenseur,
  • Dépression : c'est un antidépresseur…
  • Acidité : c’est un IPP
  • etc.

Jade Perraud : Donc en réalité les cours de pharmacologie viennent effacer en quelque sorte le cours de physiologie ?

Dr Stéphane Résimont : Oui c’est ça ! On retient ce qu’on a appris en dernier…

Nicolas Lecordier : Les cours de nutrition en médecine représentent combien d’heures ?

Dr Stéphane Résimont : C’est environ quelques heures de cours, en une seule année et c’est beaucoup d’erreurs alimentaires qui sont enseignées.

Jade Perraud : On entend beaucoup parler des maladies mitochondriales, votre point de vue serait intéressant. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Dr Stéphane Résimont : Les mitochondries sont des centrales électriques : les aliments rentrent et l’ATP, l’énergie pure, ressort. En prenant de l’âge, on perd ses mitochondries, et donc les aliments on n’en fait plus autant d’énergie, mais du gras, moins d’ATP : on devient fatigué.

Il faut savoir qu’il faut une trentaine de substances pour que les mitochondries fonctionnent : il faut du cortisol (la surrénale vieillit avec l’âge, donc on a besoin de prendre du cortisol ou de la cortisone à petites doses si nécessaire), de la T3 thyroïdienne (pas de la T4…), du magnésium, du ribose, de la mélatonine, des oméga-3, du zinc… il suffit qu’il manque un seul nutriment pour que les mitochondries se bloquent.

Si on prend une statine (Zocor ou Lipitor par exemple) qui empêche la synthèse du coenzyme Q10, la mitochondrie s’arrête, le patient ne produit plus d’énergie, il est fatigué et ne sait plus monter les escaliers.

Il y a une maladie qui reflète bien cela, c’est la fibromyalgie. Les femmes, qui ont mal partout et à qui on a dit que c’était inguérissable. Alors qu’une fibromyalgie est bien guérissable en quelques semaines, et c’est facile. J’ai des centaines de cas qui sont venus me voir et en général, en quelques semaines/mois il n’y a plus rien.

Pour une fibromyalgie, il y a entre 12 et 16 causes possibles : hypothyroïdie, manque de potassium, manque de magnésium, manque de sérotonine, manque de progestérone chez la femme, T3 basse (la thyroïde ne fonctionne pas, donc manque d’énergie, fatigue…), manque de mélatonine (certaines personnes pensent que ça ne sert qu’à dormir, mais pas du tout), dysbiose (c’est par là que ça commence : mauvaise flore intestinale qui est le point de départ de la fibromyalgie), syndrome de l’intestin irritable (crampes, ballonnement, etc.) parce qu’ils mangent du gluten, de l’avoine, du lait pour les veaux ou encore parce qu’ils mastiquent mal…

Donc en cas de fibromyalgie on va prendre en compte l’intestin, la thyroïde et faire un bilan complet de toutes les carences possibles pour ensuite supplémenter comme il faut.

Le manque de T3 (les gens se lèvent avec les doigts gonflés le matin, jambes gonflées, yeux gonflés), le manque de potassium et le manque de progestérone sont les 3 causes majeures que l’on retrouve chez toutes les femmes atteintes de rétention d’eau (qui lorsqu’elle a lieu dans les fascias musculaires donne des trigger points positifs).

En réalité dans la fibromyalgie, on pousse sur les muscles et ça fait mal. On appelle ça le « trigger points ». Ce sont les points tests. Si on en trouve 12, 15, 16… Certains disent que c’est la « fibromyalgie inguérissable ».

Le trigger point (point gâchette) est une zone congestionnée et inflammatoire du tissu musculaire. C’est une mini-contraction, une sorte de nœud. Une simple pression avec le doigt sur cette zone suffit à provoquer une douleur ou une irradiation nerveuse. On retrouve des trigger points dans chacun des muscles du corps, et plusieurs triggers points peuvent se situer au sein d’un même muscle. Ils sont le plus souvent liés à une fatigue ou une souffrance musculaire.

Souvent les patients atteints de fibromyalgie viennent me voir me disent que ça fait 20 ans qu’ils prennent du paracétamol, morphiniques, des antidépresseurs, anti-inflammatoires, des somnifères…

Ils repartent du cabinet avec une prescription de compléments alimentaires et 1 mois après, sans prise de sang, 9 fois sur 10 leur état de fatigue et de douleur passent de 10 à 3.

Les seuls cas qui échappent à la guérison sont les Ehlers-Danlos ou des Lyme : erreur de diagnostic.

Les consultations fonctionnelles sont souvent lourdes/longues et nécessitent plusieurs séances.

Nicolas Lecordier : Dans les maladies mitochondriales on a donc la fibromyalgie mais que pourrait-il y avoir d’autres comme maladies ?

Dr Stéphane Résimont : Il peut y avoir des maladies congénitales, des déficits enzymatiques, des maladies rares…

Jade Perraud : Le diabète pourrait rentrer dans ce cadre-là ?

Dr Stéphane Résimont : C’est différent. C’est la pollution et les carences qui font que les mitochondries se bloquent en réalité.

Les déficiences hormonales en micronutriments, la carnitine ou encore le resvératrol sont des substances qui font que l’appareil fonctionne mieux, que la centrale énergétique de la cellule repart.

Le diabète de type 1 est une maladie auto-immune, c’est comme une sclérose en plaques, un lupus, un Hashimoto… c’est un dysfonctionnement intestinal qui entraîne la création d’anticorps contre son pancréas, contre ses nerfs, contre ses articulations…

Parfois, j’ai des patients jeunes qui ont deux, trois ou quatre maladies auto-immunes en même temps. Je n’avais pas ça avant. Avant c’étaient des patients de 50-60-70 ans qui avaient des polyarthrites, maintenant ce sont des personnes de 30-35 ans !

Les causes sont en fait les mêmes : c’est une cause intestinale et un manque de vitamine D.

Avec un niveau de vitamine D à moins de 10/15 ng/l, les patientes ont toutes mal et une faiblesse musculaire. Le médecin va dire : « Madame, c’est une fibromyalgie ». Il n’a même pas contrôlé le dosage en vitamine D ou alors si le dosage a été fait, il dira qu’elle est à 15 et que c’est comme tout le monde, donc on ne traite pas…

Jade Perraud : Merci Docteur Résimont pour vos explications et le temps que vous nous avez accordés.

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